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Mes pas mavaient conduit jusquà un petit square et javais pris place sur le premier banc venu.
Jamais je ne métais senti aussi libre. Javais du mal à croire que quelques heures plus tôt nous avions cambriolé lappartement dun honnête homme qui devait à lheure actuelle être dans un état violent.
Je perçus bientôt un mouvement à quelque distance : un homme agitait le bras comme sil voulait chasser quelque chose dopportun. Il venait vers moi et je compris que cétait à moi quil en avait, tant ses gestes devenaient clairs au fur et à mesure quil sapprochait. Finalement il sarrêta devant moi.
"Cest mon banc", dit-il dans un grondement. Cela était exprimé avec un tel naturel, une telle conviction, comme sil énonçait une vérité que rien ne saurait contredire, un droit reconnu par la loi, que je faillis me lever. Mais laffaire mintéressait et je nen fis rien. Nous pouvions partager ce banc et même échanger quelques paroles sil le souhaitait. La solitude pouvait savérer dangereuse si lon ny prenait garde.
"Je ne partage mon banc avec personne ! Allez-vous et laissez-moi tranquille avec vos bonnes paroles. Ils nont que ces mots à la bouche, partageons ! Est-ce trop demander davoir un banc pour seule demeure, sans quon vienne vous le chiper à votre nez et à votre barbe ? Eh bien si vous restez là, tenez votre langue, vous mentendez ?"
Sur ces mots il sassit, laissant entre nous le plus despace possible. Je compris alors que moi qui venais de savourer une tranquillité absolue à labri de mes semblables, je franchissais par ma présence obstinée à ses côtés la limite que je refusais à autrui. Je le saluai dun geste et partis.